Internationale gothique – Article de Gilles Fumey
Dans l’Histoire mondiale de la France (Seuil), Étienne Hamon évoque l’essoufflement des grands chantiers des cathédrales imaginées par l’abbé Suger quelques années après la mort de saint Louis (1270). Avec les archives, il suit la trace de deux étudiants suédois à Paris, Olaf et Carl, déjà chanoines à Uppsala parvenant à convaincre une équipe de tailleurs de pierre, de compagnons et l’architecte Étienne de Bonneuil, de faire le voyage en Suède (il faut au moins deux mois) pour redémarrer la construction d’une cathédrale gothique.
Uppsala ? Oui, car l’université de Paris accueille des écoliers de Suède, dans un collège proche de celui de Robert de Sorbon. Et greffer l’art gothique français en Suède, c’est étancher la soif de culture savante et favoriser la mobilité intellectuelle lorsqu’il n’y a pas d’école sur place. Le modèle de la cathédrale d’Uppsala est parisien : le chantier a démarré en 1271, il faut le relancer 16 ans plus tard alors que le choeur est déjà terminé, continuer avec la brique que les Parisiens ne connaissent pas et concevoir les portails « à la manière française (opus francigenum), en pierre de taille ».
Pour l’historien Étienne Hamon, le succès des Français dans l’Europe du Nord, c’est l’excellence technique, la stéréotomie, le raffinement et la délicatesse ornementale. On ira jusqu’à reproduire la rosace conçue à Paris par Pierre de Montreuil. La cathédrale d’Uppsala a été lancée par un premier évêque, Stefan, sacré à Sens par le pape au XIIe siècle. Un projet sans doute préparé par le grand architecte, Guillaume de Sens. Auparavant, des moines cisterciens envoyés par saint Bernard avaient bâti une abbaye sur les plans de celle de Fontenay, en Bourgogne.
Au xiiie siècle, il y a, sur l’île de la Cité, une source gothique à laquelle puisent des dizaines d’évêques qui feront, chez eux, le renom de Notre-Dame de Paris. L’intensité du réseau des cathédrales d’Occident tient au rôle des clercs dans ces échanges qui dépassent les frontières politiques, et, selon Étienne Hamon, l’affirmation d’un type d’homme nouveau, « l’architecte désiré, libre et audacieux ».’